Au lycée d'Albi, le 30 juillet 1903, s'adressant à la jeunesse, Jaurès disait

" Le courage, c'est d'aimer la vie et de regarder la mort d'un regard tranquille; c'est d'aller à l'idéal et de comprendre le réel; c'est d'agir et de se donner aux grandes causes sans savoir quelle récompense réserve à notre effort l'univers profond, ni s'il lui réserve une récompense. Le courage, c'est de chercher la vérité et de la dire; c'est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques. "

dimanche 29 mars 2009

La démocratie est une chose trop sérieuse...

Le 26 mars, au Libanim, La GeT a invité Rémi Lefèbvre (*), universitaire dont les recherches, à Reims et à Lille, portent actuellement sur les partis politiques et la démocratie de proximité. Il a introduit un débat qui s'est avéré très "punchy" sur le thème

"La démocratie est une chose trop sérieuse pour être abandonnée aux professionnels de la politique!"

De quoi est faite la professionnalisation de la politique?

1- Elle n'est pas nouvelle; Max Weber en traitait déjà en 1912! On constate aujourd'hui que les "sorties" de la politique sont, à un certain niveau d'implication, rares; on entend par professionnel de la politique quelqu'un qui en fait sa vocation et son addiction.

2-
Le non renouvellement du personnel politique crée "l'entre-soi" de la sphère politique dont la diversité sociologique s'est considérablement appauvrie; peu d'ouvriers, peu d'agriculteurs, peu de catégorie intermédiaire parmi les parlementaires, issus pour beaucoup de la fonction publique ou des professions libérales et simultanément les élus locaux sont devenus des techniciens.

3- Actuellement en France, on note 2 particularités:
  • le vieillissement des élus; la parité dans les scrutins de liste a fait bougé l'inamovibilité des sortants "naturellement re-investis " par les partis politiques et pourtant seulement 10% des maires sont des femmes!
et
  • le cumul des mandats; il est réducteur d'aléas des carrières politiques mais il réduit aussi l'incertitude des élections, nécessaire au jeu démocratique. Faute d'un réel "statut de l'élu", les retours à la vie civile sont très difficiles.

4- L'entourage direct des politiques est aussi atteint par la professionnalisation politique: assistants parlementaires, membres des cabinets, contractuels... sont souvent des "semi-pros", ceux qui travaillent le jour à la politique pour laquelle ils militent le soir, en attendant un débouché électif. A tous les niveaux, faire carrière est un objectif qui n'est pas mineur.

5- Le cumul des mandats est aussi le cumul des indemnités; elles sont plafonnées mais le mécanisme de l'écrêtement est un outil de vassalisation; le système local en France est féodal! Le développement de l'intercommunalité doit beaucoup à l'augmentation des indemnités des élus et le fonctionnement actuel est un scandale démocratique.
Quelques tentatives de subvertir le système, mises en place par des individus ou des partis politiques, ont échoué et la loi d'airain s'est imposée à plus d'un-e homme ou femme politique.

6- Les élus sentent bien qu'ils perdent leur crédibilité; la "proximité"," la démocratie participative" , le "terrain" sont là pour masquer la distance essentiellement sociale qui existe entre eux et les électeurs mais il s'agit souvent d'opérations de communication et de marketing! On crée des instances de proximité mais les pouvoirs politiques n'y sont pas: exemple les conseils de quartiers!

Quelle antidote pour restaurer la démocratie?

Rémi Lefèbvre nous dit "La démocratie c'est compliqué, laborieux...il faut que les citoyens soient plus exigeants, plus informés face à des élus qui restent prisonniers de schémas anciens" et il prescrit pour revivifier la vie démocratique: le statut de l'élu, le non cumul strict des mandats mais aussi le tirage au sort des citoyens pour créer des instances de contrôle des élus durant leur mandat.

Le débat qui a suivi a été vif, sans concession: on a comparé les pratiques françaises avec celles d'autres pays; on a parlé de la place des femmes dans la vie politique; on a remis en question l'opportunité du tirage au sort quand il s'agit de porter un projet politique...on a abordé les pratiques des partis politiques et la nécessité d'ouvrir à de nouveaux acteurs, jeunes en politique...ça a bougé et on a eu du mal à se quitter!

(*) Rémi Lefèbvre est professeur de sciences politiques à l'université de Reims, chercheur au Centre Études et de Recherches Administratives, Politiques et Sociales (Céraps) de Lille; parmi ses publications récentes, citons « La société des socialistes » avec Frédéric Sawicki, éditions du croquant (2006) et sa participation intitulée « professionnalisation et clôture du champ politique » dans « Voter et se taire? » Document de la Fondation Copernic, éditions Syllepse (2008) .


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